"Fin de saison", de Louis Dubost, lu par Lucien Wasselin
« Fin de saison » a été tiré à 216 exemplaires tous numérotés, dont 200 destinés à la vente, par un petit éditeur que je ne connais pas : l’ouvrage est bel(le) ! Beau papier, beaux caractères, belle typographie… Le jardinier rappelle qu’il est aussi poète : l’un comme l’autre sont de durs métiers. Mais faire son jardin alimente la poésie (et le poète) car on voit toujours qu’« une coccinelle squatte / la coquille vide d’un escargot ». Le lecteur s’interroge. Qu’est-ce qui mène à la sagesse, qui fait dire à Louis Dubost « la mort n’est pas / un problème », du jardinage ou de la poésie ? Le miracle, c’est que Louis Dubost arrive à faire coïncider ses deux passions au sein du poème : soit que celui-ci parle du jardin, soit que la vie (ou le temps qui passe) unit le jardin et la poésie… Car le jardin est un poème en lui-même : faire naître des mots ou des légumes de rien, si ce n’est du savoir ! Cette « Fin de saison » est polysémique : s’agit-il de la fin de la saison que tous les jardiniers connaissent bien ? Ou de la fin de la vie ? Sans doute les deux. Je me refuse à penser que Louis Dubost soit en fin de course mais je me dis que nous sommes tous mortels et que « la mort n’est pas un problème », même et surtout si l’on est athée comme je le suis. L’essentiel étant d’avoir une vie bien remplie et utile…
Reste que le ton général de la plaquette est plutôt sombre :
« n’envisage / rien // puisque rien / c’est nécessairement / ce qui va
arriver » ou « trop loin / trop près // de la fin de saison / pour
envisager / ce qui n’a pas / de visage » écrit Louis Dubost. Car la mort
ou la fin est inconnue, nul n’en est jamais revenu pour la décrire. Et
que penser de cette « existence aux trois-quarts parcourue » ? La fin
est misérable comme le dit ce poème dont l’incipit est « Au lever du
jour » : il faut bien alors écrire un poème ou faire son jardin ! Ce qui
donne un sens à la vie. Mais la lucidité ne quitte jamais le poète
« dont le regard noir / braque l’évidence / sans retour ni recours ».
Louis Dubost continue d’écrire ce « poème impossible » avant que la mort
ne l’emporte. Et c’est très bien, car tant qu’il y a de la vie, il y a
de la poésie. Et le recueil ne se termine-t-il pas ces trois vers :
« mieux que rien / je me sens moins / seul » ? Et si c’était le pouvoir
de l’écriture ?
Une remarque pour finir : maintenant que Louis
Dubost a cessé son activité d’éditeur, il nous donne à lire
régulièrement de sa poésie. Je souhaite à Louis de continuer encore
longtemps d’écrire de tels poèmes…
Lucien Wasselin